Fondatrice de la « fiction maorie », Patricia Grace a ouvert les yeux du monde sur la culture de son pays. Elle a, grâce à ses nouvelles, ses œuvres de littérature jeunesse, ses mots et son cœur, montré l’essence même de son peuple. À quatre-vingt-un ans, elle poursuit sa route. Elle fait escale à Tahiti avec, dans ses bagages, Chappy qui vient d’être traduit en français et Haka ou la fabuleuse histoire du fameux haka Ka mate.
Patricia Grace est écrivain. Pas n’importe quel écrivain. Tête d’affiche de ce nouveau salon du livre, elle est la fondatrice de « la fiction maorie ». Son premier recueil de nouvelles, Waiariki and Other Stories paru en 1975 est l’un des premiers ouvrages publiés par une auteure maorie. À ce propos, Patricia Grace nuance : « Ce n’est pas important d’être la première. » Dans cette aventure, seul le résultat compte. « Et puis il y avait d’autres femmes maories dont les textes étaient publiés dans des magazines à cette époque. Je crois qu’en fait, ce sont elles les véritables pionnières. » Née en 1937, à Wellington, Patricia Grace est, elle insiste, « une Maorie d’Aotearoa ». Sa mère est européenne, son père maori. Ses ancêtres paternels la relient aux tribus (iwi) Ngāti Toa, Ngāti Raukawa et Te Āti Awa. Elle est affiliée à la tribu Ngāti Porou par son mariage. Elle est aujourd’hui installée près de la mer dans la baie d’Hongoeka à Plimmerton. Hongoeka est également le nom d’une communauté dans la ville de Porirua, au nord-ouest de Plimmerton, adjacent à la baie d’Hongoeka.
« J’ai, en fait, toujours aimé lire »
Elle a étudié au Teachers’ Training College et à l’université Victoria de sa ville natale avant d’enseigner l’anglais. « Mais j’ai toujours aimé écrire. J’ai, en fait, toujours aimé lire et je pense que c’est cela qui m‘a mené à l’écriture un jour. J’avais une petite vingtaine d’années quand je me suis lancée. » Elle a participé à un atelier d’écriture avant d’être publiée. Waiariki and Other Stories a été reconnu aussitôt paru, et récompensé par le PEN/Hubert Church Award, prix du meilleur premier ouvrage de fiction. Un prix comme une première fenêtre ouverte. Les histoires de ce premier livre racontent les voix maories, les différents aspects de leur vie, les difficultés rencontrées. Car, en plus de faire connaître son peuple, Patricia Grace explore les conflits entre les traditions, la mise à l’épreuve des valeurs communes. Ses livres sont des passeurs.
Avec humour, authenticité et bienveillance, ils relaient les revendications portées par son peuple comme la restitution des terres ancestrales confisquées au XIXe siècle par les colons ou bien la reconnaissance de la langue.
Un « combat » remporté en 1987 quand la Nouvelle-Zélande déclara le reo māori langue officielle. «Patricia Grace a contribué à inscrire une multitude de voix maories dans le paysage littéraire d’Aotearoa », confirme Anne Magnan-Park, traductrice, également invitée du salon du livre. Elle a travaillé sur un certain nombre de ses ouvrages pour les rendre accessibles au public francophone. « Ses écrits ont émergé dans un contexte postcolonial », poursuit-elle.
« Patricia Grace donne voix à une population vigoureuse et résolue, souvent marginalisée, stéréotypée, à des valeurs qui leur sont propres et qui s’inspirent d’un héritage ancestral. »
Récompensée aux quatre coins du monde
Depuis 1975, Patricia Grace a signé de nombreux textes avec, pour guide, sa culture et son pays. Ses ouvrages, sept romans, cinq recueils de nouvelles et plusieurs livres pour enfant, ont reçu des prix nationaux et internationaux. Par exemple, en 2001, elle a reçu le prix Kiriyama, prix du meilleur livre Pacifique pour Les Enfants de Ngarua.
Elle a, par ailleurs, reçu le prix international Neustadt de la littérature en 2008 pour l’ensemble de son œuvre. Un prix qui suit de près le prix Nobel en termes de reconnaissance. Il est d’ailleurs surnommé le petit Nobel américain ! Les textes de Patricia Grace sont également traduits, en français notamment. « Une chance » affirme- t-elle. Une reconnaissance et une confiance qui lui sont fidèlement accordées. C’est dire si ses mots touchent. Ils vont au-delà d’Aotearoa, traversent les mers, gagnent les hommes et les femmes de tous les continents.
Après dix ans d’absence de la scène littéraire, elle a signé Chappy en 2014. Chappy, qui a remporté le prix Nga Kupu Ora, en 2016, est l’histoire d’un Japonais que les circonstances ont porté jusqu’en Nouvelle-Zélande où il s’est lié d’amitié avec un marin maori. Le Japonais est arrêté comme ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. « Cette histoire est principalement racontée par d’autres personnages, son frère adoptif, sa femme, son petit-fils. » L’ouvrage vient tout juste d’être traduit et paraît chez Au vent des îles. Patricia Grace en parlera lors du salon du livre.
Elle évoquera également Haka, l’histoire d’un leader maori très connu : Te Rauparaha. Ce leader, un guerrier, avait des ennemis. Un jour, en voulant leur échapper, il a sans le vouloir composé le haka Ka Mate. Ce haka, rendu célèbre par l’équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XV, est sans doute « le plus fameux poème néo-zélandais », comme le décrit l’historien James Belich. Depuis février 2009, l’iwi Ngāti Toa dont Te Rauparaha fut le chef, s’est vu reconnaître les droits de propriété intellectuelle du Ka mate. La mesure, symbolique, vise à restreindre l’emploi de ce haka dans les publicités sans le consentement de l’iwi désormais « propriétaire ». Patricia Grace, qui appartient elle-même à l’iwi Ngāti Toa, a souhaité raconter l’histoire du Ka mate aux enfants. « En Nouvelle- Zélande, les enfants connaissent le haka, bien sûr, mais il n’y avait jusqu’alors aucun livre accessible pour eux sur le Ka mate. » Le livre illustré par Andrew Burdan est paru en anglais en 2015. Il vient d’être traduit par Yamila Cowan et paraît aux éditions Au vent des îles.
Rendez-vous
Jeudi 15/11 | 10 h 20 | Conférence – Les personnages des nouvelles et des albums jeunesse de Patricia Grace
Jeudi 15/11 | 18 h 35 | Table ronde – Voix littéraires, poétiques et… politiques !
Vendredi 16/11 | 19 h | Rencontre avec Patricia Grace autour de son roman Chappy et de l’album jeunesse Haka
Samedi 17/11 | 14 h 55 | Conférence – Manger la langue
Dédicaces sur le stand Éditions Au vent des îles
Samedi 17/11 | 16 h 30 – 18 h 30 |
Dimanche 18/11 | 14 h – 16 h |
Haka
Taduit par Yamila Cowan – Éditions Au vent des îles [2018]
Le haka Ka mate est une danse guerrière de Nouvelle-Zélande. Il a été créé par le chef de guerre d’un clan maori. Alors qu’il tentait d’échapper à une tribu ennemie, il imagina les premiers mots de ce qui deviendrait le haka le plus célèbre au monde :
Ka mate ! Ka mate ! Ka ora ! Ka ora !
Ka mate ! Ka mate ! Ka ora ! Ka ora !
Ce livre est la véritable histoire de ce haka, un rituel guerrier qui symbolise la force et la détermination de tout un peuple, qui doit sa genèse au hasard d’un grand moment de doute. Ce texte pourra donner l’occasion de découvrir certaines traditions des Maoris (tatouage, clans, rituels…), peuple autochtone de la Nouvelle-Zélande.
Album jeunesse dès 7 ans.
Chappy
Traduit par Jean Anderson et Marie-Laure Vuaille-Barcan – Éditions Au vent des îles [2018]
Le septième roman de Patricia Grace relate avec une certaine nostalgie l’histoire d’une famille maorie sur une période allant des années 1920 jusqu’à aujourd’hui. Un jeune homme, Daniel, ce « garçon boudeur » qui a grandi en Europe, est envoyé chez sa grand-mère Oriwia en Nouvelle-Zélande. Sur une période de dix-huit mois, il apprendra non seulement la langue maorie, mais aussi l’histoire familiale telle que la racontent le vieux Tiakiwhenua, (surnommé Aki, « gardien de la terre ») et sa grand-mère. En plus des histoires individuelles d’Aki, marin et grand voyageur qui épouse une Hawaiienne, et d’Oriwia, qui ne quitte jamais les terres familiales mais devient la femme d’un Japonais déserteur de l’armée, le mystérieux grand-père Chappy, le livre évoque la vie traditionnelle des peuples autochtones du Pacifique et leur grande migration vers les villes avant et après la Seconde Guerre mondiale.
« Patricia Grace, auteure majeure de cette île de l’océan Pacifique née en 1937, mêle les voix pour donner chair à l’histoire néo-zélandaise. Le lecteur apprend beaucoup et se régale de cette époque sur près d’un siècle. La culture maorie, les relations avec le Japon et Hawaï, la solidarité familiale sont autant d’ingrédients qui donnent du sel à ce récit. » Ouest-France
« Chappy permet de prendre conscience des enjeux des îles du Pacifique, comme terre des ancêtres et non terre de spéculations étrangères. C’est raconté délicatement, le récit de ce peuple multiple, riche et soudé. » S. H., L’Alsace