Ali COBBY Eckermann
Je veux placer le lecteur dans un état émotif
Fabienne Kanor
L’écriture
pour réhabiliter
Hamid Mokaddem
En Kanaky les héros sont toujours des martyrs
David Fauquemberg
Le héros de mes textes est souvent la nature
Do Carlson
Permettre une vision globale de la pensée de Henri Hiro
Raaunui Daunassans
Apporte sa petite pierre à l’édifice
Mourareau
Maeva
nulle
part
Rehia Tepa
La thématique interroge
les valeurs à mettre à l’honneur
Valerie Murat
L′écriture était
un bon moyen de
creuser un sillon
Virginie Prat
Les petites histoires
font les grands
héros
Henri Theureau
Ropati est plutôt
un anti-héros
Robert Koenig
Les quatre héros des éditions Haere Pō
Nancy Cave
Dessiner est un métier,
et tout le monde peut y arriver
Sandrine Mirza
Les héros sont les moteurs de mes textes
Sebastien Chebret
Chacun d’entre nous peut être un héros
Hong-My Phong
Avoir du temps
est un luxe
Isa Qala
Cap sur
Ra’īatea
Terisa Siagatonu
Je me sens
chanceuse
Ali COBBY Eckermann :
« Je veux placer le lecteur dans un etat emotif »
Autrice du petit bijou littéraire intitulé « Ruby Moonlight » et paru chez Au Vent des îles, Ali Cobby Eckermann est sensible à la thématique annoncée. Selon elle, toute personne qui contribue au changement, à la reconnaissance et à la réparation de nos droits culturels est un héros.
« J’ai rencontré ma mère quand j’avais trente-quatre ans. Aucun de nous n’a grandi avec notre mère », raconte Ali Cobby Eckermann. Celle-ci était une militante à Canberra, travaillant dur au sein d’une équipe de dirigeants, luttant pour une véritable réconciliation qui déclencherait un sentiment de guérison dans toute l’Australie. « Grâce à elle, j’ai rencontré de nombreux héros, dont tante Lowitja O’Donoghue, tante Evelyn Scott et tante Avis Gale. » Pour, c’est un plaisir d’avoir la chance de rencontrer et connaître les femmes de cette génération. « Mais je pense qu’un héros singulier est une construction blanche. C’est donc leur essence qui est incluse dans mes écrits. »
Poète aborigène issue des peuples Yankunytjatjara et Kokatha, Ali Cobby yEckermann est l’autrice de Ruby Moonlight, paru en 2012 chez Magabala Books et chez Au Vent des îles en 2023 (traduction Mireille Vignol), mais aussi de She is the Earth (2023, Magabala Books) ou encore Inside my mother (2015, Giramonodo Publishing). Les héros qui parcourent ses ouvrages sont « les peuples autochtones qui se sont battus pour nos droits et continuent de le faire depuis l’invasion des Britanniques et l’arrivée de la colonisation sur le continent aujourd’hui connu sous le nom d’Australie ».
Elle rappelle que de nombreuses histoires de résistance ont été réduites au silence par le courant dominant, « pourtant, ces histoires s’élèvent comme la résistance qu’elles représentent ». Son objectif en écrivant est toujours de « dire la vérité. Je veux aussi placer le lecteur dans un état émotif : lui faire ressentir la douleur que nous avons subie lors de l’assimilation et ressentir la beauté et l’intelligence de notre refus ».
La communauté est circulaire et inclusive, c’est pourquoi, à travers sa littérature, elle souhaite vivement que « tous les lecteurs des Premières Nations connaissent nos problématiques et les enjeux à travers nos héros ». L’héritage du sang est puissant, « malgré l’oppression de l’assimilation sur nos terres non cédées ». Selon Ali Cobby Eckermann, toute personne qui contribue au changement, à la reconnaissance et à la réparation des droits culturels est un héros. « Les gardiens du chant et de la danse sont les guerriers. Écoutez, ils sont souvent invisibles. »
Fabienne Kanor : l’ecriture pour rehabiliter
Écrivaine, réalisatrice, professeure d’université et chercheuse, Fabienne Kanor est l’auteure de multiples œuvres dont les personnages sont traditionnellement des « anti-héros ». Ce sont des personnes condamnées à vivre en marge de la société ou « entre les lignes des archives coloniales », qu’elle réhabilite et transforme en héros.
Fondé sur un vrai fait divers, son roman Humus (Gallimard, 2008) donne ainsi la parole à quatorze Africaines mises en esclavage et déportées en Haïti au dix-huitième siècle. Parce que la grande histoire coloniale n’en avait jamais fait cas, Kanor décide alors de donner à ces oubliées une agentivité. « Raconter leur vie avant leur déportation à fond de cale et les transformer de fait en héroïnes me permet de les réhabiliter dans l’histoire humaine. » Même dispositif dans son film-documentaire Dans le grand trou noir où je voulais me noyer (2023), où elle retrace l’itinéraire d’un héros sans médaille et sans nom, capturé en Sierra Leone au 16e siècle et convoyé en Espagne dans une mine d’argent où il mourut torturé.
Son roman Louisiane (Rivages, 2020) raconte l’histoire de Nathan, un Français d’origine camerounaise qui entreprend un voyage en Louisiane pour lever le voile sur les mystérieuses circonstances qui entourent la disparition d’un oncle qu’il n’a jamais connu. Arrivé à La Nouvelle-Orléans, il se lie d’amitié avec l’Africain Américain Zaac, un marginal et un révolté de l’histoire.
Dans son essai transdisciplinaire La poétique de la cale (Rivages, 2022), Kanor met au jour les voix des Africains déportés à fond de cale dans les Amériques. L’essai est une manière de réhabiliter les treize millions et plus de captifs anonymes qui pendant des siècles furent arrachés à leurs terres natales et catapultés dans l’impitoyable monde de la traite et de l’esclavage.
Dans sa pièce de théâtre La grande chambre parue (Caraïbeditions, 2024) et qui se déroule dans un hôtel hâvrais datant du 18ème siècle, Kanor met enfin en scène une histoire d’amour entre une fille de Martiniquais arrivés en France via le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) et un clandestin sénégalais arrivé en Europe en pirogue et sans papiers.
Du fait de leur condition socio-économique et de leur ancrage mémoriel, ces deux personnages répondent à la définition que donne Kanor des héros d’aujourd’hui : “Les héroïnes/ héros d’aujourd’hui sont précisément celles et ceux auxquels nos mondes capitalistes et nos sociétés néocoloniales n’accordent aucune place et continuent en toute impunité de négliger, d’exploiter et d’affaiblir. Ce sont celles et ceux dont les histoires et les mémoires, abîmées par les dits « vainqueurs », réclament justice et parole. Celles et ceux qui, dans leur manière de résister, de tenir bon et de se débrouiller, sont finalement des miraculés.”
Hamid Mokaddem : « En Kanaky -Nouvelle-Caledonie- les heros sont toujours des martyrs »
L’auteur Hamid Mokaddem Mokkadem, agrégé de philosophie et docteur en anthropologie sociale et culturelle signe une trilogie consacrée aux acteurs décisifs et majeurs du devenir de la Kanaky des années 80. Le dernier tome consacré à Jubelly Wéa sort cette année.
Hamid Mokaddem achève une trilogie consacrée aux acteurs décisifs et majeurs du devenir de la Kanaky des années 80.
D’abord il y a eu Jean-Marie Tjibaou, figure politique du nationalisme kanak (Ce souffle venu des ancêtres : L’oeuvre politique de Jean-Marie Tjibaou édité par Expression Province nord en 2005), puis Yeiwéné Yeiwéné, un dirigeant indépendantiste kanak membre de l’exécutif du Front de libération nationale kanak, socialiste, membre de l’Union calédonienne (Yeiwene Yeiwene, Construction et révolution de Kanaky, Nouvelle-Calédonie paru chez La Courte en 2017). Tous deux ont été assassiné en 1989 à Ouvéa.
Finalement, Hamid Mokkadem présente Jubelly Wéa dans un ouvrage intitulé l’Histoire dira si le sang des morts demeure vivant. Jubelly Wea (1945-1989) et édité par Au Vent des îles. Djubelly Wéa est un pasteur et militant nationaliste kanak. C’est lui qui a assassiné Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné le 4 mai 1989, juste avant d’être abattu par des gardes du corps. L’auteur montre comment le militant a basculé d’une trajectoire coutumière, religieuse et politique en une trajectoire criminelle. Mais qui était Jubelly Wea ? Par quoi était-il animé ? Comment, au nom de la souveraineté, un militant fait-il basculer sa trajectoire ?
« Il va de soi que, pour les Kanak, il existe des héros proches des figures des martyrs. Il faut comprendre que le sacrifice a un sens historique culturel puissant et persistant. D’une part, les morts sont transformés en ancêtres qui persistent dans la mémoire et l’imaginaire collectif. D’autre part, ces ancêtres demeurent vivants proches et lointains. Par exemple, Eloi Machoro ou Jean-Marie Tjibaou sont devenus des légendes et leur combat est considéré comme héroïque. » En tant qu’auteur, Hamid Mokkadem se voit dans l’obligation de « reconnaître ces formes d’héroïsme en prenant en considération la dimension culturelle océanienne et kanak ».
Selon l’auteur, Eloi Machoro ou encore Alphonse DIanou peuvent être considérés comme des héros. « Ils savaient délibérément qu’ils allaient mourir et qu’ils l’ont fait pour une cause qu’ils estimaient justes. Non pas des actes violents mais des actions révolutionnaires anticipant la mise en forme d’une souveraineté. » Quand il pense aux héros d’aujourd’hui, il évoque « les femmes et les jeunes qui ont été les acteurs et actrices de terrain. Tous ces gens que l’histoire officielle ne reconnait pas mais qui agissent à leur niveau pour vivre en liberté. »
David Fauquemberg,
« le heros de mes textes est souvent la nature »
Auteur de quatre romans inspirés de ses nombreux voyages, David Fauquemberg est déjà venu en Polynésie. Il revient pour cette édition consacrée aux héros. Il évoque les hommes de chair et de sang, avec leur courage et leurs faiblesses, mais aussi la nature qui prend une grande place dans ses textes.
Romancier, traducteur et reporter, David Fauquemberg est l’auteur de Nullarbor, Mal tiempo, Manuel El Negro ou encore de Bluff, son quatrième roman, né de plusieurs années de voyage en Polynésie française et dans tout le Pacifique Sud. Ses textes sont traversés, non par des héros, « un terme qui me paraît un peu fort », mais plutôt par des personnages « bien humains, avec leurs failles et leurs mystères ».
Avec la présence toutefois de grands témoins légendaires, ancêtres sous les yeux desquels évoluent les personnages et qui donnent un sens à leurs actions : les interprètes mythiques du flamenco dans Manuel El Negro, ou les géants disparus de la culture polynésienne et de la navigation aux étoiles que sont Hone Tuwhare, Mau Piailug ou Tevake dans Bluff. S’il y a un héros dans ses textes, c’est souvent la nature : l’océan, le ciel et les oiseaux migrateurs dans Bluff, le bush australien et les mangroves hostiles dans Nullarbor. « Ce sont les défis qu’elle pose aux hommes qui poussent les personnages à se révéler. »
La notion de héros, rappelle David Fauquemberg, est essentielle dans le parcours de tout écrivain qui, avant d’écrire, a été et demeure avant tout un lecteur. « Les héros de la littérature deviennent au fil des ans vos amis, vos guides. Ils me donnent souvent l’impression d’être plus réels, dans ma vie, que la plupart des personnes que j’ai pu croiser ! Ce sont ces personnages si réels qui m’ont poussé à écrire. » Le terme de héros est ici pris au sens littéraire moderne, désignant le ou les personnages principaux d’une œuvre. « Rien à voir donc avec les super-héros de comics : ce sont des personnages de chair et de sang, avec leur courage et leurs exploits, mais aussi leurs faiblesses. C’est cela qui permet au lecteur de s’identifier à eux. »
Pour lui, aujourd’hui, l’héroïsme est souvent synonyme de simple notoriété : « le moindre coup d’éclat fait de vous un héros, qu’il s’agisse d’un but spectaculaire au football, d’une intervention mémorable sur un plateau de télévision ou d’un certain nombre de « vues » sur Internet. Cela n’a aucun sens, bien sûr. » Il préfère en revenir au sens classique : « un homme de bonne volonté qui, malgré ses défauts et ses limites, s’efforce de bien agir dans un monde complexe. »
Enfin, il évoque les héros du quotidien, ceux qui « se tuent à la tâche » pour offrir au plus grand nombre des soins de santé, une éducation ou une vieillesse digne, venir en aide aux migrants. « Ceux-là me semblent mériter ce titre ». Tout comme les opposants aux régimes dictatoriaux, que ce soit en Iran, en Russie, ou les lanceurs d’alerte qui mettent leurs vies en péril pour dénoncer les abus des États ou des grandes entreprises.
Do Carlson :
« Permettre une vision globale de la pensee de Henri Hiro »
Elle a été la compagne de Henri Hiro jusqu’à la disparition de ce grand homme de la Polynésie. Dans le cadre des célébrations des 80 ans de sa naissance, la publication de l’ensemble de ses textes dans le livre Henei Hiro, Taùrua nui i te amo aha apporte « une pierre de plus à la construction du patrimoine culturel et intellectuel au service des générations actuelles et à venir. »
Henri Hiro restera un grand homme pour la Polynésie, en particulier grâce à son combat inébranlable pour la reconnaissance de son riche patrimoine culturel au centre duquel la langue apporte la marque de son originalité. « Un homme passionné par ce qu’il avait à dire, et surtout à faire, car il aimait donner une réalité aux pensées qu’il exprimait », complète Do Carlson, sa compagne.
Né le 1er janvier 1944 à Moorea et mort le 10 mars 1990 à Huahine, il a été cinéaste, dramaturge, poète, orateur hors pair, militant écologiste et indépendantiste. Il a consacré sa vie à essayer de redonner une dignité au peuple polynésien saisissant toutes les occasions à sa portée pour affirmer la spécificité et la valeur de sa culture intrinsèque, utilisant les moyens d’expression et de diffusion que permettent le théâtre, le cinéma, l’art oratoire, la danse, le chant… Il était un artiste engagé et impliqué.
Mettant à jour la modernité de sa pensée, de nombreux événements sont organisés et proposés tout au long de cette année 2024 : reprise de la pièce « I Tai » mis en scène par Moana’Ura Tehei’ura -il s’agit d’une adaptation de Henri Hiro en tahitien de la pièce « En pleine mer » de Slawomir Mrozek-, documentaire, expositions, concours littéraires ou encore, livres.
L’ouvrage « Henri Hiro, Taùrua I te amo aha » regroupe tous les écrits que celui-ci a produit durant sa vie. « Il enrichit Pehepehe i ta ù nūnaa qui sont les premières éditions de ses poèmes parus en 1990 aux éditions Tupuna Productions puis repris par les éditions Haere Pō », précise Do Carlson.
« Après le mutisme centenaire ou bicentenaire, le Polynésien parle, ou plutôt écrit pour extirper le trouble enfoui au plus profond de ses entrailles : pour dire à la page blanche ce qu’on ne peut dire même à son meilleur ami, parce que les mots se sont tus », écrivaient les éditions Haere Pō en 2005 lors de la réédition de Pehepehe i ta ù nūnaa.
L’objectif principal de Taùrua I te amo aha est « de permettre une vision globale de sa pensée, tout en participant à la construction d’un patrimoine culturel et intellectuel au service des générations actuelles et à venir », souligne Do Carlson.
Pour elle, les grandes figures de nos sociétés, quel que soit le domaine de leur champ d’action, sont importantes. « Elles participent à la construction des modes de pensée. Chaque culture a ses propres héros qui sont autant de modèles capables de façonner l’esprit des jeunes générations. »
Raaunui Daunassanss
apporte sa « petite pierre a l’edifice »
Il est l’auteur de Marau Taaroa dernière reine de Tahiti, Souvenirs recueillis par sa fille la princesse Ariimanihinihi Takau Pomare-Vedel. Raanui Daunassans signe un texte qui raconte la vie de la Reine jusqu’à son décès en 1935.
En 2019, dans un appartement familial à Nice, Raanui Daunassans descendant de Marau Taaroa (1860-1935), dernière reine de Tahiti, découvre par hasard un manuscrit original. « C’est comme si j’étais entrée dans une capsule temporelle », raconte-t-il. L’appartement, sous scellés, n’avait pas bougé depuis 25 ans, tout juste drapé « d’un léger voile de poussière ». Le manuscrit attendait là, dans un secrétaire Louis XVI de la chambre à coucher. Raanui Daunassans ne cache pas son émotion à l’évocation de son entrée dans l’appartement et de la découverte du manuscrit. Il tient aujourd’hui à partager le plaisir qu’il a eu en le parcourant.
Ce texte est un recueil de souvenirs familiaux racontés dans les années 1930 par la souveraine à sa fille, la princesse Takau. Cette dernière les a ensuite organisés et rédigés avec le regard d’une femme de son temps. « Cela apporte un autre éclairage sur l’histoire tahitienne », explique l’auteur. Les souvenirs et témoignages entre 1821 et 1918 sont ceux de la reine. « Je n’ai fait que les retranscrire, et n’ai absolument rien changé au manuscrit original », insiste l’auteur. « J’ai voulu, avec cet éclairage, apporter ma petite pierre à l’édifice de la grande histoire Tahitienne. » En reprenant le texte original, il a voulu laisser à l’attention « des enfants de mon pays » mais aussi des historiens « matière à retracer les faits historiques de notre passé tels que nous les ont transmis mon ancêtre ».
Raanui Daunassans a vérifié toutefois les citations qu’il a agrémentées de notes en bas de page pour donner des éléments de contexte. Il a ensuite puisé dans ses souvenirs pour étendre le récit jusqu’en 1935, année du décès de Marau Taaroa.
Marau Taaroa est née le 20 avril 1860. Elle était la troisième fille de la Princesse Ariioehau, la princesse de la Paix, et d’Alexander Salmon dont le mariage n’avait pu avoir lieu que grâce à l’appui de la Reine Pomare IV. Elle fut un temps l’épouse du roi Pōmare V qui régna de 1877 à 1880 et fut la dernière reine du royaume de Tahiti et dépendances.
« Maeva nulle part »,
Mourareau s’engage
Le personnage de son ouvrage paru en juillet chez Au Vent des îles et intitulé « Maeva nulle part », n’est pas à proprement parlé un héros. Mais il permet à son auteur de dire les inégalités et injustices. « C’est Tahiti passé au lance-flammes. »
Pour l’auteur de « Méridien zéro » paru en février 2020 et « Maeva Nulle part » paru en juillet 2024 chez Au vent des îles, les héros sont souvent « les gardiens de la morale », ce sont des « figures charismatiques en uniforme… très fascism-friendly ». Il précise : « Batman se bat contre la corruption mais pas contre le système qui a donné naissance aux criminels et aux inégalités générées par le capitalisme ».
En ce sens, le personnage de son dernier roman, Manutahi, n’est pas exactement un héros. « Il est plutôt du style à subir, incapable de changer le monde car il est trop seul et isolé ; et quelque part anéanti. Le mec lambda qui essaie juste de survivre sous les roues des bus qui lui passent dessus. » Mais Manutahi permet à Mourareau de dire les choses. Ce qui est une première étape sur le chemin d’un monde plus juste.
Après une enfance dans les îles, une scolarité écourtée et des « chapardages foireux », Manutahi part à l’armée sous les auspices d’un retour glorieux. Mais personne n’est là pour crier « houra ! » au retour du soldat. À bientôt quarante ans, il rumine « des trucs badants », — comme l’impression qu’il est minable le bilan. Il file un mauvais coton et n’en mène pas large. Il est hanté par un sentiment de défaite qu’il trimballe comme un syndrome civilisationnel.
Mourareau s’est souvenu de sa propre enfance aux Gambier, de ses camarades arrachés à leur foyer et placés en internat pour raconter le parcours de Manutahi. Maeva nulle part est un ouvrage beaucoup plus personnel que Méridien zéro, roman dystopique mêlant absurde et humour noir, suivant un couple de Parisiens qui débarque en Polynésie persuadé de pouvoir changer de vie.
Maeva nulle part est aussi un roman qui va plus loin dans la dénonciation. « C’est Tahiti passé au lance-flammes » dit l’auteur. Il écrit parce qu’il y a « tellement de choses qui me sont insupportables. » Il utilise le roman pour rappeler toutes ces choses dont trop peu de personnes parle, ou en tous les cas pas avec ce ton proche du brûlot. « La première version de Maeva Nulle Part avait été acceptée par l’éditeur à la condition que je mette de l’eau dans mon vin et que j’opère quelques des liftings pour obtenir une version publiable du roman », rapporte l’auteur.
Rehia Tepa :
« la thematique interroge les valeurs a mettre a l’honneur »
Il est invité au salon du livre pour présenter sa toute première pièce de théâtre. Rehia Tepa, avec le soutien de Littéramā’ohi aborde avec elle la transmission d’héritage ou de culture ainsi que la reconquête identitaire sous plusieurs formes. Selon lui, la thématique interroge nos valeurs, elle peut « en dire long sur nos sociétés ».
Il a été le lauréat de l’opération « Du livre à l’écran » 2021/2022 pour son scénario d’adaptation de la nouvelle intitulée « Joséphine » et issue du recueil Cartes Postales de Chantal Spitz (Au vent des îles). Cette opération portée par l’Association des éditeurs de Tahiti, le Fifo et l’Atpa, a formé 10 candidats pendant 3 mois avant de dévoiler son vainqueur.
Rehia Tepa présente cette année sa toute première pièce de théâtre avec le soutien de Littéramā’ohi. Elle s’intitule « Rautīemoemaitearu. Les Stigmates de la lune ». Son intrigue se déroule au sein d’un orphelinat à l’orée d’un bois, sur une île et durant une époque non définies. « Nous assistons à l’arrivée de la nouvelle préceptrice et à sa rencontre avec l’une des jeunes pensionnaires, rebelle et mystérieuse. La pièce aborde la transmission d’héritage ou de culture ainsi que la reconquête identitaire sous plusieurs formes. »
Les héros de cette histoire sont de jeunes orphelins qui souhaitent se reconnecter à leurs parents et à leurs ancêtres, en d’autres termes, à ceux qu’ils considèrent comme leurs héros. « Il y est également question d’une entité qui revêt un caractère héroïque mais je n’en dirai pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. »
La thématique du salon paraît intéressante à Rehia Tepa car aujourd’hui « tout le monde peut être un héros : des héros du quotidien ! » Lui admire tout particulièrement celles et ceux qui s’engagent à sauvegarder sa culture. « Nous avons besoin de héros : ils nous construisent et nous permettent – parfois – d’avancer », ajoute-t-il.
Les héros sont l’occasion d’interroger « les valeurs que l’on souhaite mettre en avant et à l’honneur ». Selon Rehia Tepa, un groupe d’individus ne partage pas forcément les mêmes héros. « Parfois même, le héros des uns s’avèrera être un monstre pour d’autres ». La question des narrations historiques officielles et officieuses est donc aussi abordée et « cela peut en dire long sur notre société ».
Rehia Tepa est désormais tourné vers la mise en scène de sa pièce. Il a déjà pu réunir une équipe « prometteuse ». Il conclut : « nous avons hâte de pouvoir vous partager notre art et diffuser notre message. Le message familier et nécessaire de la préservation de notre héritage et patrimoine culturel polynésien. »
Valerie Murat: « L′ecriture etait un bon moyen de creuser un sillon »
Elle publie pour la première fois un ouvrage bilingue intitulé Te Rāine ‘o te ‘ā’au. Passionnée de pédagogie, elle s’est souvent demandé comment amener les élèves à s’intéresser davantage à leur propre histoire, leur langue et leur culture Te Rāine va dans ce sens.
Enseignant depuis 1992, Valérie Murat a eu « le privilège » de prendre en charge aussi bien des élèves du premier degré que du second degré. « Je me suis enrichie à leur contact. » Elle est passionnée de pédagogie et elle s’est toujours demandé comment elle pouvait amener les élèves à s’intéresser davantage à leur propre histoire, leur langue et leur culture. « J’ai pensé que l’écriture était un bon moyen de creuser un sillon : Te Rāine va dans ce sens. »
C’est la première fois qu’elle publie un ouvrage bilingue. Elle a été accompagnée dans sa démarche par Littéramā’ohi. C’est un recueil de poèmes en vers libres ; certains textes sont des poèmes en prose. Quarante textes en tahitien dont huit ne sont pas traduits, c’est un choix personnel. Ils traitent de la beauté de la création, de la beauté du monde, de l’amour aussi, des relations humaines, des défauts et des qualités des êtres humains, etc… Des enregistrements audios des 40 poèmes en tahitien sont accessibles grâce à un QR code intégré à la couverture car « j’ai tenu aussi à faire entendre ma langue autochtone et sa prosodie ».
Selon elle, la thématique du salon est intéressante car « les héros polynésiens sont des personnages mythiques mieux connus ici en Polynésie ». Ils représentent la force, la ruse, l’exploit, le courage hors du commun, ils sont d’une force colossale et souvent d’une intelligence remarquable. « De plus, les élèves sont sensibles voire fascinés par l’héroïsme surtout les super héros américains. » C’est un thème « fédérateur » et « attractif » pour un salon du livre. Cependant, c’est une conception de l’héroïsme assez limitée qui ne correspond pas toujours aux réalités de la vie. Le héros est souvent : le plus fort, le plus beau, le plus intelligent, etc. En sommes, « ils ont toujours plus que les autres alors qu’ils ont aussi des défauts. Ils peuvent être fourbes, trop sûrs d’eux, calculateurs, menteurs, etc. »
« On aurait tendance à chercher les actes héroïques dans des exploits spectaculaires, des sportifs de haut niveau, des chanteurs populaires, etc… alors que pour moi le véritable héros est celui qui au quotidien brave les difficultés de la vie, les obstacles sans se décourager pour une cause qui n’est pas forcément vue ou sue de tout le monde. » Valérie Murat donne l’exemple de cette mère qui élève seule ses 5 enfants et qui au quotidien exécute de nombreuses tâches en cherchant toujours à se dépasser pour que ses enfants ne soient privés de rien d’important. « Ces petits coups de pinceaux discrets sont pour moi bien plus admirables que des grands coups de rouleaux de héros connus. »
Virginie Prat : « Les petites histoires font les grands heros »
C’est le troisième opus de la série que Virginie Prat présente. Il s’agit de l’album La Leçon de surf de Vatiti, illustré par Laurent Cardon et édité par les Mers Australes. Une fois de plus la petite fille, comme une héroïne du quotidien, emporte de petites victoires pour atteindre son but. À savoir : surfer la vague de Teahupoo.
« Les héros, ce ne sont pas seulement les Superman et autres personnages de Marvel avec des pouvoirs magiques incroyables », explique l’autrice Virginie Prat. « Ce sont aussi ces femmes et ces hommes du quotidien, qui multiplient les petits gestes et emportent de petites victoires, jour après jour. » Elle reste persuadée, que nos existences sont jalonnées de difficultés et « qu’en chacun de nous un petit héros sommeille ». Il se révèle, de temps en temps. Et Vatiti en est un bel exemple. Elle obtient toujours ce qu’elle veut, jamais comme elle l’avait imaginé, toujours avec le soutien de ses proches, amis ou familles. Elle s’accroche et elle touche au but. « Les petites histoires font les grands héros. »
La collection Vatiti lancée par les Mers Australes, écrite par Virginie Prat et illustrée par Laurent Cardon a démarré avec Les Longs cheveux de Vatiti (2020). Puis ont été publié : Le Long chemin de Vatiti (2022) et enfin La leçon de surf de Vatiti (2024). Ce dernier album est un clin d’œil aux jeux Olympiques, bien sûr, mais pas seulement. En effet, Vatiti se met en tête de réussir à surfer Teahupoo. Mais elle n’a ni planche, ni expérience. Il lui faudra donc trouver l’une et acquérir l’autre pour réaliser son rêve. « Flanquée de ses deux amis, soutenue par sa grand-mère », elle y parviendra. Ce qui en fait une héroïne du quotidien. Vatiti est une fillette qui ne sait pas dire non, n’ose pas, ne s’impose pas mais qui, avec un peu d’astuce et d’espièglerie, atteint toujours son but.
En plus, Virginie Prat a voulu retrouver la naïveté et la fraicheur qu’ont les enfants. « Une fois le rêve formulé à haute voix, tout est possible, ils ne s’imposent pas de barrière. » Elle a souhaité évoquer le surf pour sa dimension culturelle, et personnelle. « C’est cela qui a permis à mes enfants de trouver leurs racines à Tahiti ». Elle n’a pas manqué, en plus, de parler des repas traditionnels, de la joie de vivre et de la solidarité, prégnante sur le territoire.
Le quatrième tome est prêt, il devrait sortir d’ici à la fin de l’année. Il abordera une nouvelle problématique. Vatiti se retrouve, en fin d’année, propulsée sur le devant de la scène pour assurer un spectacle de ‘ori tahiti alors qu’elle n’a qu’une envie, rester chez elle et ne rien faire. Une nouvelle épreuve s’annonce. « Même celles et ceux qui ne sont pas les premiers de la classe, qui n’ont pas de talent évident peuvent réussir. »
Henri Theureau
« Ropati est plutot un anti-heros »
Le traducteur Henri Theureau présente l’Île de désir, paru chez ‘Ura éditions. C’est un récit de Robert Dean Frisbie, écrivain américain de l’entre-deux guerre et ami de James Norman Hall. Le personnage principal, Ropati, serait plutôt un « anti-héros ». « Il reste une sorte de héros dans la façon dont il prend à bras le corps la vie insulaire. »
Comme James Norman Hall, dont il était l’ami, Robert Dean Frisbie (1896-1948) est arrivé à Tahiti au lendemain de la Grande Guerre. Comme Robert Louis Stevenson, il avait les poumons fragiles et poursuivait un rêve de soleil, de paix, de solitude, et de littérature. Après quelques années à Tahiti (Un âge d’Or, 1937), il se retrouve à Pukapuka, un atoll du nord des îles Cook, seul Blanc au milieu des Polynésiens (Une vie à Pukapuka, 1929). Il a écrit Island of desire dont la deuxième partie a déjà été publiée sous le titre Suwarrow, Ouragan sur l’Atoll par ‘Ura éditions. Il est vrai que dans cette aventure vécue, il se comporte de façon assez héroïque, pour sauver ses quatre enfants du désastre.
« Mais en fait, Ropati est plutôt un anti-héros », dit Henri Theureau le traducteur. Son but dans la vie, c’est d’écrire le grand roman américain. Il se rêve un peu comme un nouveau Melville. Mais avant ça, il a un projet qu’il poursuivra toute sa vie sans jamais le réaliser, c’est de bâtir un petit voilier qui lui permettrait de voyage d’île en île, seul, et d’avoir la paix pour écrire.
Après un séjour à Papeari au début des années 1920, il débarque à Pukapuka vers 1925 où il sera le seul Blanc de l’île, gérant du seul magasin de l’île. Il y écrit des scènes de la vie insulaire qui sont publiées dans des magazines américains, et qui finissent par être éditées, d’abord The Book of Pukapuka, puis Island of desire. Tous ses textes, y compris ses souvenirs de Tahiti, My Tahiti, sont en fait autobiographiques et il n’écrira jamais son grand roman américain, malgré quelques tentatives inabouties, qui seront elles aussi plus ou moins autobiographiques.
« Il reste une sorte de héros dans la façon dont il prend à bras le corps la vie insulaire. » Très doué pour les langues, il apprend le tahitien en moins d’un an, puis le rarotonga et le pukapuka dans la foulée. « Il se débat avec sa solitude culturelle en lisant voracement et en écrivant sans arrêt ».
Il participe pleinement à la vie de la communauté insulaire, dont son magasin, mal approvisionné (deux à trois “goélettes” par an), est un des piliers fragiles. Il construit sa maison, épouse officiellement ‘Inangaro. Il pêche, plonge, récolte les œufs des oiseaux de mer, « sans pour autant vouloir ‘s’encanaquer’ comme on disait élégamment à cette époque, c’est-à-dire devenir polynésien ».
« Il y a donc, tout bien considéré, malgré son côté « beachcomber », son penchant pour la bouteille et sa tabagie permanente quelque chose d’héroïque chez ce Frisbie, dans son obstination à courir après deux rêves jamais réalisés. » Son témoignage sur la vie d’une communauté humaine « dans des conditions d’une rudesse que l’on n’imagine pas, tant les îles sont pour nous des fantasmes avant d’être des réalités » reste précieux.
Les quatre heros des editions Haere Po
Ce sont quatre personnages remarquables. Robert Koenig des éditions Haere Pō décrit Maui, Ka [KAE !], Tini mais aussi et surtout Cabri, un marin corsaire puis baleinier (1793-1997), beachcomber aux Marquises (1799) et guerrier à Nukuhiva enlevé par une escadre russe et se retrouvant en Sibérie (1804-1805) à présenter ses tatouages et des danses. Cabri est-il un héros ou un anti-héros ?
L’éditeur Haere Pō a choisi d’évoquer le thème du Salon 2024 « Des héros Te Mau toa » avec quatre nouveautés, deux héros, d’une héroïne et d’un personnage à la fois héros et anti-héros.
Le premier personnage est légendaire, il s’agit de Maui le pêcheur d’îles (édition en tête-bêche illustrée par Jean-François Favre, texte tahitien de Vahi Sylvia Tuheiava-Richaud). Le deuxième est un humain à la frontière du naturel et du surnaturel dans Kae et la Terre des Femmes (texte marquisien du Carnet de terrain de Von den Steinen de 1897, transcription et traduction en français Michael J. Koch et Denise et Robert Koenig). L’héroïne se prénomme Tini, elle apparaît dans Tini, petite méduse bleue. Elle cherche à nouer des contacts qui ne soient pas urticants auprès des habitants du lagon et de l’océan (texte et illustrationS de Mélodie Seybald, traduction tahitienne de Emma Faua-Tufariua).
Enfin, il est question de Cabri. Il est un héros historique (1780-1822), un marin corsaire puis baleinier (1793-1997), beachcomber aux Marquises (1799), guerrier à Nukuhiva (1801-1804), enlevé par une escadre russe et se retrouvant en Sibérie (1804-1805) à présenter ses tatouages et des danses marquisiennes au tsar Alexandre 1er à St-Pétersbourg (février 2007) puis au roi Louis XVIII (18 juillet 1807). Il s’est présenté également dans les cabinets de curiosités de France, à Genève et en Belgique avec un catalogue adapté à ces différents publics (1817-1822), « alors héros ou anti-héros ? », aux lecteurs de répondre.
Cabri, Cabrit, Cabiche, Kabris (les noms de ce personnage extraordinaire sont multiples, comme ses identités) a longtemps mené une vie héroïque tant qu’il était reconnu dans la société marquisienne pour ce qu’il était (un guerrier), dans la société européenne pour ce qu’il n’était plus (un guerrier marquisien). Mais lorsqu’il a joué sa vie héroïque devant un public qui le méconnaissait de plus en plus, « sa survie a plutôt été anti-héroïque ».
Un ouvrage de Christophe Granger, intitulé Joseph Kabris ou les possibilités d’une vie est paru aux éditions Flammarion (2020), il est « admirable et complet ! », souligne Robert Koenig. . « C’est pour cela que Granger a accepté de préfacer notre petit ouvrage de 144 pages illustré de gravures peu connues de Cabri. »
Pour leur livre intitulé Nouveau précise historique et véritable, revu, augmenté et commenté du séjour de Joseph Kabris, natif de Bordeaux, dans les Isles de Mendoça, les éditions Haere Pō se sont basés sur les différentes versions des catalogues imprimés pour les spectacles de Cabri puis sur les témoignages directs et parfois inédits de ceux qui l’ont bien connu à bord de la frégate russe qui l’a amené de Nuku-Hiva en Sibérie, et enfin de ceux qui ont pu assister à ses spectacles à St-Pétersbourg.
Nancy Cave :
« dessiner est un metier, et tout le monde peut y arriver »
Elle vient présenter le dernier ouvrage qu’elle a illustré : Aito, le petit hippocampe de Bora bora paru aux Editions des Mers Australes. Nancy Cavé a plusieurs cordes à son arc puisqu’elle exerce le métier d’illustratrice en freelance, de graphiste pour Canal +. Ses supports de création peuvent être traditionnels ou digitaux avec de nouveaux procédés et outils.
Nancy Cavé est une artiste basée en région parisienne mais qui reste très attachée au fenua. La Polynésie tient une place importante dans son cœur. Elle a déjà illustré un livre pour les éditions des Mers Australes : Pele, la déesse du feu paru en 2015. Elle est à l’origine des GIFS de ‘Ori Tahiti qui circulent massivement sur les réseaux sociaux ainsi que des illustrations des danseuses du Heiva i Tahiti qui ont remporté un grand succès et ont été exposés à la délégation de la Polynésie française à Paris fin 2023.
Elle revient avec un nouvel ouvrage intitulé Aito, le petit hippocampe de Bora Bora qui paraît lui aussi aux Editions des mers Australes. Elle le présentera au Salon du livre de Papeete et à celui de Mangareva. En évoquant le thème, elle pense « forcément à la fiction », mais également à « toutes celles et ceux qui se battent au quotidien comme les parents célibataires, celles et ceux qui doivent cumuler plusieurs emplois, ou encore qui aident les autres comme les pompiers. Ce sont eux les héros ».
Nancy Cavé a plusieurs cordes à son arc puisqu’elle exerce le métier d’illustratrice en freelance, de graphiste pour Canal +. Elle possède également une petite marque de peluches et accessoires confectionnés à la main au crochet. Ses supports de création peuvent être traditionnels, comme la toile ou le papier qu’elle affectionne pour ses aquarelles et pastels ou digitaux avec de nouveaux procédés et outils.
Elle aime tout particulièrement illustrer des ouvrages jeunesse pour les très jeunes lecteurs. « Les rencontres que j’ai la chance de faire avec eux me le confirment », rapporte Nancy Cavé qui se réjouit d’être invitée dans les classes de Tahiti mais aussi de Moorea et de Mangareva. « C’est toujours très enrichissant et j’aime parler de mon travail. » Elle reste touchée par l’attachement des tout-petits aux personnages. Elle tient à dire que dessiner n’est pas seulement une activité d’enfants, que cela peut être un métier et que tout le monde peut y arriver.
Sandrine Mirza :
« Les heros sont les moteurs de mes textes »
Historienne de formation, Sandrine Mirza écrit pour la jeunesse des livres documentaires en histoire ou patrimoine culturel. Il lui plaît de raconter l’aventure « humaine » de ses héros qui, souvent, la fascine et l’impressionne par leur courage.
Sandrine Mirza est autrice, spécialisée en histoire et patrimoine culturel. Elle est titulaire d’un DESS d’Histoire (Paris VII) et d’un diplôme de l’Institut Français de Presse (Paris II). « Tous mes livres sont des documentaires en histoire ou patrimoine culturel. Je rencontre donc à chaque page ou presque des personnages souvent célèbres que l’on peut appeler ‘héros’ ou ‘héroïnes’. Ils sont le moteur de mes textes, à l’origine d’évènements ou d’aventures. » Chaque héros ou héroïne a un destin, « c’est cette aventure humaine qui me plait, et parfois me fascine. Souvent je suis aussi impressionnée par leur courage ».
L’autrice raconte des personnages historiques : rois, reines, inventeurs, artistes, aventuriers, etc. Elle a fait les portraits de 40 hommes et femmes de paix. Elle met également en scène des personnages mythiques : dieux et déesses antiques, héros comme Hercule ou Thésée. Elle invente aussi des héros ou héroïnes pour animer des docu-fictions.
Sa dernière bande dessinée intitulée « Histoire de France au féminin » met en avant la condition des femmes et leur lutte pour acquérir les mêmes droits que les hommes. « Je suis très sensible à ces combattantes partout dans le monde, et aux hommes qui les soutiennent. » Elle pense notamment, et particulièrement, aux femmes en Iran et en Afghanistan. « Elles résistent avec un courage infini, au péril de leur vie, elles luttent contre une oppression à peine imaginable. »
Sandrine Mirza a travaillé six ans aux éditions La Découverte à Paris. Elle se consacre aujourd’hui entièrement à son activité d’écriture. Elle a déjà publié plus d’une trentaine de livres dont Les religions de la préhistoire à nos jours qui regroupe des personnages bibliques, des guides spirituels et autres figures tutélaires. Elle a signé Histoire de France au féminin qui retrace la vie et le combat des femmes célèbres ou anonymes, héroïnes du quotidien. C’est également elle qui a écrit Ma première mythologie, Sur les traces de Marco Polo ou encore Première guerre mondiale et Seconde guerre mondiale.
Sebastien Chebret :
« chacun d’entre nous peut etre un heros »
Illustrateur touche-à-tout, Sébastien Chebret mêle différentes techniques : peintures diverses et variées, collages et de plus en plus numériques. Il présentera quelques-uns de ses ouvrages. Selon lui, il ne suffit pas d’être célèbre pour être un héros.
Après avoir obtenu une maîtrise d’art plastique, Sébastien Chebret a poursuivi ses études avec un DEA d’Arts et sociétés actuelles à Bordeaux dont le thème était l’illustration jeunesse. Depuis 2007, il a mis en images de très nombreux ouvrages pour les jeunes lecteurs.
Illustrateur touche-à-tout, il mêle différentes techniques : peintures diverses et variées en passant par la gouache, l’acrylique, l’aquarelle ; il aime travailler le collage (surtout à partir de papiers récupérés un peu partout dans des brocantes). Ses illustrations sont marquées par la présence grandissante de l’outil numérique.
Dans son métier, les héros sont « ceux qui se démarquent », « ceux qui vont prendre la lumière », « ceux à qui ils leur arrivent des aventures, bonnes ou mauvaises ». Il aime l’idée des anti héros, « ceux qui ratent tout », à qui il arrive le pire. « Les enfants, je crois, s’y attachent encore plus ».
Lorsqu’il balaye les titres sur lesquels il a travaillé, il pense à son écureuil dans Gare à tes noisettes. Il s’agit d’un héros fier qui ne prévient personne quand le loup approche de la forêt. Tout cela pour garder ses noisettes… Alors, les problèmes arrivent aux autres. Mais au moment où lui-même rencontre le loup, il est bien content de trouver de l’aide. Ce petit écureuil doit donc apprendre à penser aux autres et à partager.
« Pour moi, Il ne suffit pas d’être célèbre pour être un héros. Chacun d’entre nous peut être un héros et peut, à un moment de sa vie, faire quelque chose d’extraordinaire. » Cela peut être une action, un métier, etc. Dans ces conditions, le champ des possibles reste ouvert à toutes et à tous, tous les rêves sont permis.
Hong-My Phong :
« Avoir du temps est un luxe »
Hong-My Phong est autrice de deux romans : Pater familias et Femmes écorchées. Ce sont deux romans policiers qui suivent les aventures des enquêteurs Charlène Siu et Luc Savage en Polynésie. Elle a commencé la suite qu’elle espère pouvoir avancer pendant la résidence d’écriture. Elle hésite, encore, sur son lieu de résidence, mais qu’importe. Ce qui compte, c’est l’opportunité. « Avoir du temps est un luxe », reconnaît-elle.
Elle a, tout au long de son deuxième tome, fait évoluer ses personnages. Elle aimerait à présent se concentrer sur l’intrigue. « Je fourmille d’idées », indique-t-elle. « J’ai envie de parler de tellement de choses ! » Elle évoque des problématiques de société qui lui tiennent à cœur comme la souffrance transgénérationnelle, les grossesses précoces, le suicide, la drogue… « Je ne sais pas encore si je pourrais tout traiter. » Elle compte sur la résidence d’écriture pour faire un point, se concentrer sur ses écrits et choisir la trame qu’elle développera dans ce troisième tome. Il faut « trouver des parades » pour que la rédaction, et donc la lecture demeurent fluide.
Isa Qala, cap sur Ra’iatea
Isa Qala écrit, elle, depuis une dizaine d’années. Elle partage volontiers ses passions avec les jeunes : le théâtre, le chant, la danse, la littérature ou le cinéma. Elle contribue à la transmission du patrimoine culturel, notamment par son implication dans la troupe de danse du Wetr bien connue dans le paysage calédonien. La culture, l’écriture et la littérature sont pour elle des terrains de jeu. Elle a déjà signé plusieurs romans.
Elle a jeté son dévolu sur l’île de Raiatea. Cette île est ancrée dans sa vie depuis toujours et elle aimerait en apprendre plus sur elle, mais aussi sur ses habitants. Originaire de Lifou en Nouvelle-Calédonie, elle a une histoire particulière avec le terme. « Mon grand-père l’a choisi pour baptiser notre endroit, le lieu où l’on se retrouve », explique-t-elle. Elle ne sait pas pourquoi ce choix, elle ne sait même pas si son aïeul a un jour posé les pieds en Polynésie. Cette résidence sera l’occasion d’y voir plus clair. Elle va prendre le temps de faire des rencontres, d’aller au-devant des habitants. Elle ira également dans les classes.
Elle s’engage avec un projet. Elle souhaite écrire un roman pour adulte qui parlera de Lifou. Elle annonce vouloir parler de sa terre « en profondeur ». Elle relayera la « manière de penser » de son île, si particulière. « Nos anciens nous apprennent à écouter avant tout chose pour nous imprégner des paroles prononcées puis nous dépasser. » Selon elle, un livre permet de comprendre « les courants de pensées ». Elle écrira le sien pour faire la lumière sur Lifou et lever les malentendus avec ce souci d’améliorer la communication entre les êtres.
Terisa Siagatonu,
« je me sens chanceuse »
Terisa Siagatonu est une poétesse primée, artiste enseignante, une éducatrice en santé mentale. Sa voix dans le monde de la poésie en tant que femme queer sāmoan lui a donné l’occasion de se produire dans des lieux tels que la Maison Blanche, mais aussi à Paris lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique à Paris, à Brisbane pour la Triennale Asie-Pacifique à Brisbane.
« Au cours des trois dernières années, je me suis plongée dans mes manuscrits et j’ai eu diverses occasions de recherches et de voyage, en particulier en Océanie puisque c’est le cadre de tous mes livres. » Elle s’intéresse à la Polynésie car, en tant qu’autrice polynésienne sensible à l’impact du changement climatique et de l’impérialisme sur le Pacifique, elle a jugé « nécessaire » de s’y rendre, d’écrire « en direct ». Il y a quelque chose de profond dans le fait de « créer et d’écrire sur les lieux dont vous parlez dans vos histoires ». Elle a pu en faire l’expérience aux Samoa américaines, à Guam et à Hawaï l’année dernière. Une résidence est aussi une opportunité de pouvoir se concentrer uniquement sur ses projets créatifs. « Je me sens donc chanceuse. »
Elle a choisi Huahine et Mo’orea en raison des salons qui s’y tiendront, mais aussi en raison de ses liens avec ses propres histoires. Elle projette d’y écrire un roman pour jeunes adultes sur les coûts cachés de la crise climatique. Elle racontera la vie d’une adolescente samoano-américaine de Californie qui commence à faire le lien entre les thèmes liés au climat que sont le racisme environnemental, l’embourgeoisement, la colonisation, les droits fonciers et ce que cela signifie d’être un jeune Pasifika à l’ère du changement climatique aujourd’hui.
Dans son nouveau roman, il lui importe surtout de traiter du rôle joué par l’armée américaine, « un sujet qui est rarement pris en compte dans le discours plus large sur le climat ». Selon elle, l’armée américaine est l’un des principaux responsables de la crise climatique, tout en étant le plus grand extracteur de ressources et de personnes dans les îles du Pacifique.