Léopold Hnacipan est arrivé à l’écriture par le rêve. Depuis, installé dans sa case sur un matelas, devant le poteau central, il rédige des textes qui suivent un seul et même fil rouge, celui de la femme kanak.
C’est le songe qui a guidé Léopold Hnacipan vers l’écriture. Ce professeur de français raconte : « Il y a quelques années, j’ai rêvé que je gravissais une montagne avec mes mains. C’était une grande montagne noire et brumeuse et dont le sommet n’était pas visible. Enfant, nous jouions à marcher sur les mains, jetant les pieds droits vers le ciel. Je me voyais monter, difficilement au début parce que le sol était glissant. Après plusieurs tentatives, je me suis mis à avancer. Tout doucement jusqu’à mon réveil. Ce rêve, je l’ai raconté à mon directeur qui me prêtait le camion du collège pour aller me présenter au concours d’écriture organisé par l’Association Écrire en Océanie. Lors de ce concours, je ne fis pas d’effort, j’étais inspiré. Je racontais ma naissance dans les brousses, dans un champ de caféiers à un endroit où une truie avait mis bas un mois auparavant. Ce fut la révélation. » Depuis il raconte, témoigne, imagine.
« Le plus souvent j’écris dans ma case sur un matelas, devant le poteau central. Mais il m’arrive aussi d’aller à la cuisine et d’écrire sur la table à manger. » Son travail d’écriture se déroule en deux temps. Il y a d’abord l’inspiration qu’il trouve dans la vie de tous les jours. « Je rumine cette matière qui prend forme. Je ne me mets pas tout de suite à l’écrire. Il me faut trouver un canevas par lequel structurer mes pensées. La partie écriture vient tardivement. C’est dans la nuit que les pensées viennent en force et me pénètrent. C’est là que je déroule. »
Les sujets qu’il traite le plus volontiers ? «Je reviens tout le temps à mes écrits du début. C’est-à-dire au sujet de la femme kanak. C’est passionnant. Plus j’en parle et plus je me rends compte qu’il y a d’autres points à traiter. Quand on parle de la vie, de l’existence, on parle forcément de l’homme et de la femme. Moi, je préfère parler de la femme. Cela est peut-être dû au fait que j’ai grandi avec ma mère. J’ai grandi dans la tribu de ma mère chez mes oncles maternels. La femme est un sujet méconnu de nous tous. Le terrain est vierge et a besoin d’être exploré. Peut-être aussi que la partie féminine de mon être se met en branle. » Mais, Léopold Hnacipan s’intéresse aussi à des sujets d’actualité, il traite de problèmes du quotidien. « Je donne un exemple, aux îles Loyauté, l’eau est un problème. C’est un des questionnements majeurs qui préoccupent les administratifs. Mes écrits sur ce sujet-là rendront peut-être un jour la population plus sensible au sujet. »
Après s’être officiellement lancé dans la littérature, le sens de l’écriture a pris une nouvelle dimension pour Léopold Hnacipan. « J’ai l’impression d’avoir une mission », dit-il. « Je devais transmettre mon savoir et ce qui est transmissible à la génération qui va suivre. Je me suis lancé, j’ai parlé de la sexualité de la femme kanak d’un certain âge, la vie kanak à la tribu et le monde kanak en général tel que je le conçois. Ce monde-là n’a jamais été visité. » « Tout cela ne se fait pas sans souffrance, car ce sont des tabous dans notre société.» Certaines personnes ont fait part de leur incompréhension à Léopold Hcanipan, de leur gêne voire de leur choc parfois, pourtant il garde toujours le cap car «le silence kanak risque de faire mourir certaines pratiques de la vie de tous les jours, pourtant utiles pour la suite. Elles permettent de comprendre comment nous fonctionnons.» Mais, plus que les propos, c’est souvent l’origine de l’auteur qui est pointée du doigt. « Les lecteurs sont alors choqués parce que cela vient de moi », constate Léopold Hnacipan. « Ces lecteurs sont d’un certain âge. Et ils me le font savoir parce qu’en général, je les connais. Avec les Européens et tous les gens de la jeune génération, je n’ai pratiquement pas de souci. Je reçois plutôt des encouragements voir des obligations. Ils me disent de ne pas m’arrêter. » Message reçu.
Pour en savoir plus sur l’auteur, découvrez un article complet sur le magazine ENDEMIX N°8 de septembre 2014, par Frédérique de Jode