Qiu Xiaolong est un auteur de polars et de poèmes. Il est né en Chine. Un pays qu’il a quitté mais auquel il reste très attaché. Sa terre natale est la toile de fonds de tous ses textes. À partir de 1966, lors de la Révolution culturelle chinoise, le père de Qiu Xiaolong est victime […]

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Qiu Xiaolong est un auteur de polars et de poèmes. Il est né en Chine. Un pays qu’il a quitté mais auquel il reste très attaché. Sa terre natale est la toile de fonds de tous ses textes.

À partir de 1966, lors de la Révolution culturelle chinoise, le père de Qiu Xiaolong est victime des gardes rouges. Qiu Xiaolong lui-même est interdit de cours, il a 13 ans. En 1988, il quitte la Chine pour les États-Unis. « J’ai obtenu une bourse de la Ford Foundation» rapporte-t-il. En 1989, entre le 15 avril et le 4 juin, la place Tian’anmen à Pékin est le lieu de manifestations violentes. Les étudiants, les intellectuels et ouvriers chinois qui dénoncent la corruption et réclament des réformes se font entendre. La répression est sans appel. Qiu Xiaolong prend la décision de s’installer définitivement sur le continent américain.

Il y poursuit ses études jusqu’à obtenir une thèse en littérature comparative et en littérature chinoise. Ce qui explique les très nombreuses références aux poésies, classiques, textes anciens qui émaillent ses ouvrages. Puis il se lance dans l’écriture. « J’ai aussi traduit de la poésie classique chinoise en anglais », précise celui qui enseigne la littérature à la Washington University de Saint-Louis.

Qiu Xiaolong est le père de l’inspecteur Chen. «Cet homme, né à Shanghai, a étudié à l’université des langues étrangères de Pékin », présente l’auteur. « Il a une spécialisation en anglais puis il a été embauché au bureau de police de Shanghai. Il est devenu un chef reconnu qui, à ses heures perdues, écrit des poèmes. C’est un homme qui a beaucoup à faire. Il essaie de garder ses distances face aux politiques, mais il finit toujours par être impliqué, malgré lui. » L’inspecteur Chen a de qui tenir.

Défi relevé

Dans son dernier opus, « Dragon bleu, tigre blanc », Qiu Xiaolong fait référence à un fait divers qui a défrayé la chronique : « l’affaire Bo Xilai » [du nom d’un haut dirigeant chinois, populaire dans son pays]. La femme de Bo Xilai, Gu Kailai, a été condamnée à la peine de mort avec sursis le 20 août 2012 pour le meurtre de Neil Heywood, un américain retrouvé dans un complexe hôtelier. « J’ai eu l’idée de ce livre après avoir parlé avec des amis américains qui m’ont dit, si tu écris ça personne ne te croira!» Défi relevé. « Notre société est pourrie jusqu’au trognon », dit Vieux Chasseur, un ami de l’inspecteur Chen. « Maintenant que la corruption est ancrée dans les profondeurs du système, on ne peut que tomber dans le cynisme et la désillusion. »

« Toutes les sociétés ont leurs problèmes. Pour moi qui vis aux États-Unis depuis plusieurs années, je peux prendre de la distance par rapport à la Chine», constate Qiu Xiaolong. «Je suis dans un pays qui m’autorise à écrire ce que je veux. Ce qui n’est pas le cas en Chine. D’ailleurs, quand mes ouvrages sont traduits en chinois et vendus là-bas ils passent entre les mains de la censure, certains passages sont coupés, d’autres modifiés. » Malgré toutes ses aventures, ses prises de risques, sa liberté revendiquée, Qiu Xiaolong retourne en Chine régulièrement. « J’y vais une fois par an pour des raisons personnelles mais aussi pour l’inspecteur Chen. »

« Les polars, ça ne suffit pas »

Mais tout cela [dénoncer, relever des défis, faire savoir] n’est pas assez. « Écrire des polars ne suffit pas, j’aime explorer les circonstances sociales, politiques, culturelles du crime et de l’enquête. En d’autres termes j’aime avoir une approche sociologique. Tous les détails, comme la nourriture et les paysages ont une très grande importance pour moi qui suis un auteur exilé, vivant loin de chez moi. C’est un peu ma petite madeleine de Proust. » Les mets sont toujours décrits par le menu.

Qiu Xiaolong écrit aussi de la poésie. «C’est un style complètement différent des romans. La forme est plus personnelle, plus lyrique, pour autant elle n’est pas contradictoire avec les romans. Je dirais même que les deux sont complémentaires. » L’auteur s’adresse à tout le monde, il vise tous les âges, toutes les nationalités. « Je parle de la Chine dans une langue qui n’est pas le chinois, je fais le maximum pour que les lecteurs qui ne sont pas Chinois me comprennent. L’ironie de la situation est que dans cette période de changements rapides en Chine, les lecteurs chinois ont aussi des problèmes pour comprendre les histoires. Ce qui rend mes romans d’autant plus intéressants. Autre chose, la Chine peut être une énigme pour le monde occidental. Mes livres servent, je l’espère, à ouvrir des fenêtres sur ce pays et sa culture, à créer des ponts. »