L’association des éditeurs de Tahiti et des îles (AETI) a offert en 2021, sa première résidence d’écriture à une des autrices du pays grâce à son partenariat avec les institutions (Ministère de la culture, ministère de l’éducation et Haut commissariat de la République française). Titaua Peu, « autrice à l’engagement éminemment politique », a été la première polynésienne à réaliser cette aventure littéraire sur le fenua. Après Mūtisme en 2003 et Pina en 2016, elle espère pouvoir proposer une partie de sa troisième œuvre fin 2022. Sa résidence s’est déroulée en deux étapes et avec deux objectifs croisés. Un temps et des moyens pour écrire, c’est l’opportunité proposée à l’autrice, avec la contrepartie d’intervenir dans un ou plusieurs établissements scolaires du lieu de cette résidence pour participer au développement du goût de la lecture chez les élèves, et pourquoi pas à l’éveil de futurs auteurs ? Elle a choisi pour le besoin de ses projets d’écriture les îles de Mangareva et Taha’a.
En attendant, des écrits sont déjà sortis de cette expérience collective, partagée à la fois par les élèves, le corps enseignant, mais aussi le personnel de l’établissement qui l’a accueillie. Titaua est intervenue dans les classes du collège de Rikitea, village principal de Mangareva aux îles Gambier, au mois de décembre 2021. Ces rencontres ont été un véritable catalyseur pour les adolescents. Parler de sujets tabous, de Mūtismes, ils en avaient besoin selon elle et elle se satisfait de leur en avoir donné les moyens, aussi grâce à un fort engagement de leurs professeurs. Elle les a côtoyés pendant un mois, « les croisant au magasin », et cette proximité a contribué à faire couler l’encre de leurs plumes, selon elle. Les témoignages ont surpris la communauté, qui ne pensait pas cette île isolée aussi exposée à la violence de la société. Une quarantaine de nouvelles anonymisés ont été couchés sur le papier par les élèves âgés de 12 à 17 ans… Et des adultes de l’établissement, qui ont souhaité, contribuer eux aussi avec leurs histoires. Ils abordent chacun avec leurs mots et leur vécu, l’inceste, la drogue et aussi des problématiques de rapport au corps. L’autrice relève également un questionnement récurent sur les préférences sexuelles. Autant de malaises dont ils ont pu se délester dans ces textes. Elle espère aussi avoir suscité des vocations d’écrivain parmi eux. Au terme d’un mois en résidence à Rikitea, Titaua a ramené dans sa valise un recueil de nouvelles, Mutismes de Rikitea qu’elle a confié délicatement à l’AETI à son retour à Tahiti. Quant à ses publications personnelles, elle y a travaillé également lors de la deuxième partie de sa résidence qu’elle a passée à Taha’a. Le mois qu’elle y a vécu lui a permis de se ressourcer et de trouver l’inépuisable inspiration qu’elle prête à son île natale.
Rikitea fait partie de ses prochains récits pour avoir été le « théâtre du début de la christianisation en Polynésie ». Elle présente déjà « une saga du peuple ma’ohi, des premières migrations ». C’est une trilogie qu’elle prépare, dont le premier tome devrait être achevé fin 2022 et dont le deuxième tome est déjà en cours de rédaction.
Maintenant autrice confirmée, elle appelle les artistes polynésiens à sortir, à s’exporter sur le marché national et international. La plus jeune autrice de Polynésie à avoir été publiée a également été retenue pour réaliser une résidence d’artiste avec trois autres polynésiennes, cette fois-ci à la cité internationale des arts, à Paris. Mais avant cela, elle a fêté la publication en anglais de son second roman, Pina, sorti à New York le 16 août dernier. Les festivités continueront au mois d’octobre, où elle participera à au moins un festival de littérature à New York. C’est avec gratitude envers les institutions et l’AETI qu’elle aborde ces ouvertures.
M.B. pour l’AETI