Russell Soaba est un auteur papou, même s’il en doute lui-même. Il a signé de nombreux romans, des nouvelles ou bien encore des poèmes. Tous ses écrits n’ont qu’un but, collecter, archiver, faire durer sa culture orale.
Russell Soaba est un lève-tôt. Au sortir de son lit, il n’a qu’une chose en tête, « griffonner quelques mots ». Puis, il va prendre l’air. « J’ai besoin de marcher. Je vis en ville où j’enseigne à l’université, mais mon cœur est resté dans mon village. Cela me fait du bien le matin d’entendre les oiseaux chanter dans les arbres, ça me rappelle qu’au fond je suis et resterai un villageois. »
Aujourd’hui, l’auteur vit à Port Moresby en Papouasie Nouvelle-Guinée. Il vient de Tototo dans la Province de Milne Bay. Éduqué par sa grand-mère il a suivi une partie de sa scolarité dans son village, une autre à Port Moresby, en Australie et aux États-Unis. Ce qu’il retient de son parcours, et le désole, c’est sa difficulté à apprendre les langues. « J’adore lire des nouvelles en anglais et en français, mais je ne suis pas capable d’écrire et de parler correctement dans ces deux langues. Je peux lire un mot en français par exemple mais je suis incapable de le prononcer. »
Il n’avait pas 12 ans quand tout a commencé. « Je trouvais ça fun de reprendre les hymnes que j’entendais à l’église », se rappelle-t-il. « Je pensais que c’était des poèmes. » Il avait aussi l’habitude de lire des publications d’enfants indiens pendant ses premières années d’école. » Ce qui m’a beaucoup inspiré. » Il s’est mis à faire valser les mots dans différents genres littéraires, romans, poèmes, drames, nouvelles. À sa grande surprise, l’un de ses poèmes a connu un véritable succès en Australie. « J’avais 16 ans quand c’est arrivé, depuis je n’ai jamais pu m’arrêter d’écrire. J’en ai pris le parti. Je suis considéré comme un auteur, mais pour être honnête je ne suis même pas sûr d’en être un ! » Pour autant, il avance sur son chemin. » J’ai tellement à écrire sur mon pays et pour mon pays. »
Son objectif ? Faire passer la littérature orale et ses traditions dans la vie moderne. Les mythes et légendes, les oraisons, les histoires, les anecdotes et paraboles sont autant d’ingrédients qu’il mélange en suivant les recettes dont lui seul a le secret. Russell Soaba met son art au service de sa culture et de ses concitoyens. « Je veux que notre culture dure dans le temps et qu’elle puisse toucher les générations à venir. C’est pour cela que je veux être publié. »
Quand il pose sa plume et qu’il regarde le monde qui l’entoure il liste un nombre grandissant de défis à relever. « Il y a du bruit, beaucoup trop de bruit, partout, de la vitesse, du mouvement, seuls quelques havres de paix subsistent. Mon pays appartient encore au passé, mais plus pour longtemps, j’en ai peur. J’aimerais que partout dans le monde les pays soient stables, que les gouvernements répondent aux besoins des populations, sans obstacles d’aucune sorte. Il faudrait que, dans chaque pays du monde, il y ait un endroit où tout le monde aimerait d’aller. Vous savez quoi ? Moi je rêve d’aller à Paris, pour voir la neige. »
Ed. Au vent des îles (2016), traduit par Mireille Vignol
Maiba, c’est une fille à la fois jeune et ancestrale dans une Papouasie-Nouvelle-Guinée qui lui ressemble. Maiba divise et fédère, attire et repousse, reflète un foisonnement de contradictions, d’anachronismes, et de complexités. Dernière d’une lignée de chefs, elle incarne sagesse et bon sens dans une société instable, où les charlatans remplacent les sages, où le non-dit fait des ravages, où une sourde frustration engendre une violence absurde, où la coutume est manipulée à l’avantage du pouvoir, pas du progrès. Maiba est une œuvre très littéraire, belle et émouvante. C’est aussi le premier roman de Papouasie-Nouvelle-Guinée à être traduit en français.