Scientifique de formation, Thanh-Van Tran-Nhut est une voyageuse dans le temps et dans l’espace. Éprise de liberté, de nouveaux espaces à fouler et de nouveaux domaines à appréhender, elle s’est mise à écrire pour répondre à un défi fou. Un défi que sa sœur lui a lancé il y a bientôt vingt ans.
Thanh-Van Tran-Nhut est une scientifique venue à l’écriture « à l’insu de son plein gré », comme elle dit
en plaisantant. En 1999, sa sœur Kim, physicienne, est venue la trouver avec un pari, l’écriture d’un roman policier situé dans le Viêt-Nam du XVIIe siècle. À l’époque, les deux sœurs n’avaient, ni l’une ni l’autre, de réelle expérience littéraire. « Kim avait placé la barre assez haut. Alors j’ai pensé : Chiche ! Voyons si je suis capable d’écrire sur autre chose que des soucoupes volantes et des extra-terrestres télépathes. »
Née au Viêt-Nam en 1962, Thanh-Van Tran-Nhut a grandi aux États-Unis, où ses parents sont partis étudier en 1968, et en France, où sa famille s’est installée en 1971. « J’ai connu Huê, ancienne capitale impériale, puis le Michigan avec ses blizzards et ses grands lacs gelés, et ensuite de petites villes en Franche-Comté. À chaque pays correspondent une langue et des façons de vivre différentes. Pouvoir en faire l’expérience très tôt a été un immense avantage : on acquiert une flexibilité et une curiosité qui durent toute la vie. »
Lorsqu’il a fallu donner corps à son premier roman, Thanh-Van Tran-Nhut a passé des heures « étrangement agréables » en bibliothèque. « Moi qui roupillais dans les cours d’histoire au lycée ! », se rappelle-t-elle. Elle a aimé remonter le temps, s’est appuyée sur son raisonnement scientifique pour bâtir un scénario qui tienne la route.
« Sans le savoir, je disposais déjà des outils », même si tout restait à découvrir : faire des descriptions, créer des dialogues, insufler un rythme au récit. « Les frontières étaient abolies. La poésie, les légendes, les esprits trouvaient leur place dans l’enquête. »
De ce travail est né le mandarin Tân, un jeune magistrat au service de l’empereur du Dai-Viêt. Un personnage inspiré de l’arrière-grand-père maternel, devenu un mythe familial pour avoir réussi très jeune les concours impériaux. « Il incarnait l’intelligence et la probité », des valeurs exemplaires pour un officier de l’empire.
À mesure qu’il avance dans ses enquêtes — la série comporte désormais huit tomes, parus aux éditions Picquier —, confronté à la corruption généralisée des mandarins, le magistrat voit ses idéaux tomber les uns après les autres. « Et c’est précisément cette remise en question des valeurs qui le rend humain. »
Le mandarin Tân mène aujourd’hui Thanh-Van jusqu’à Tahiti où elle présentera son dernier ouvrage Kawekaweau, édité par Au Vent des îles. Ce roman est l’aboutissement de son projet pour la résidence d’écrivains du Randell Cottage, en Nouvelle-Zélande, dont elle était la lauréate en 2014. « J’ai la chance de revenir dans le Pacifique, dans une somptueuse région. Que demander de plus ? » Thanh-Van Tran-Nhut sait aussi apprécier les cadeaux de la vie.
Kawekaweau
À peine installé au Viêt-Nam avec sa femme, Viktor reçoit un colis de Lucie, son amour de jeunesse, récemment décédée. Elle lui lègue des objets de leur vie commune, mais aussi un ultime défi : résoudre une énigme liée au lézard géant rapporté du Pays du long nuage blanc par un équipage français au XIXe siècle — le mythique kawekaweau marqué d’une malédiction. Plongé dans le journal d’un célèbre amiral arpentant les antipodes, Viktor s’aperçoit qu’entre les lignes du rapport officiel se cache un drame ignoré de tous. Une boîte à trésor maorie, un pendentif en jade vert, des photos d’un monde évanoui… Ces objets d’un autre temps recèlent, eux aussi, le dernier message de Lucie à Viktor.
Dans ce roman, Thanh-Van Tran-Nhut met entre parenthèses les enquêtes du mandarin Tân pour s’immerger dans une Nouvelle-Zélande envoûtante, dévoilant une autre facette de son talent d’écrivain.