l’auteur Mourareau en résidence à Amanu et Hao

« Tous les lieux m’inspirent mais l’important était le fait de pouvoir s’isoler »

« Tous les lieux m’inspirent mais l’important était le fait de pouvoir s’isoler »

 

Mourareau a passé deux mois en résidence d’écriture avec l’association des éditeurs de Tahiti et des îles, pour travailler sur deux projets : un livre et un scénario de court-métrage. Ces rencontres avec la population et les élèves des lieux où il vivait, ont nourri son inspiration. 

Où et quand es-tu parti en résidence ?

J’ai passé le premier mois de ma résidence à Moorea, dans une vallée verdoyante de Haapiti pendant tout le mois de novembre 2023. Le deuxième mois, de mi-janvier à mi-février, s’est déroulé à Amanu, aux Tuamotu, où j’étais au cœur du village. C’est moi qui ai souhaité aller dans ces lieux. Je connaissais Moorea et j’avais eu un coup de cœur pour Amanu lors d’un précédent voyage.

 

Comment a résonné cette immersion sur la création, l’inspiration ?

Mon temps était dédié à l’écriture. Gagner sa vie comme auteur est difficile, c’est même exceptionnel alors que là pendant deux mois, j’étais rémunéré pour écrire, tout en étant soustrait de toutes les contraintes matérielles. Tous les lieux m’inspirent mais l’important était le fait de pouvoir s’isoler. À Moorea, j’étais dans un petit chalet au début de la vallée, il n’y avait rien ; et à Amanu, j’étais en plein cœur du village. Être accueillis chez eux, écouter leurs histoire… C’est très intéressant. Cela m’a permis de confronter mon texte à la réalité, vérifier des choses que j’avais écrite mais aussi avoir de l’inspiration pour d’autres histoires. Aux Tuamotu par exemple, les hommes ont un rapport à la mer très fort, certains m’ont raconté s’être perdu en mer pendant plusieurs jours, des choses qu’on n’image pas à Tahiti. Je me suis aussi rendu au collège de Hao où on est face à cette bizarrerie : les villages des Tuamotu sont vidés de leurs enfants qui se retrouvent tous en internat, loin de leurs parents. Moi-même j’ai grandi aux Gambier mais j’ai eu la chance de suivre l’école à distance, contrairement à certains de mes amis qui ont souffert de cette situation. 

 

Pourquoi avoir candidater pour faire une résidence ?

Il y avait bien sûr l’attrait financier : être payé pour écrire. Et mes projets artistiques : travailler sur un troisième livre qui traitera en partie du tourisme en tant que phénomène social et anthropologique dans les îles ; et écrire un scénario de court-métrage. J’ai bien avancé mais il me reste encore beaucoup de travail. J’écris, puis je laisse macérer et ensuite je retravaille à tête reposée. 

 

Est-ce satisfaisant de pouvoir se dédier entièrement à l’écriture ?

C’est surtout ne plus être à la maison où on a toutes les contraintes liées au foyer, s’occuper de la colocation, faire le jardin… Il y a toujours des choses qui viennent nous perturber. Pendant ces deux mois, j’étais isolé, les gens autour de moi savaient que j’étais en résidence. Même si je n’ai pas tout le temps écris, une partie de la journée, je lisais, ne faisais rien, ce qui fait partie aussi du travail d’écriture. Attendre que les choses arrivent. 

 

Comment se sont passées les rencontres avec la population et les scolaires ?

C’était effectivement l’une des seules exigences de l’association : rencontrer des élèves et animer un atelier en rapport avec le livre. Je suis intervenu auprès de deux classes de 4e, la classe des primaires de Amanu et la section des maternelles de Hao. J’ai offert un exemplaire du Petit prince en paumotū, Te Arikiriki – E te haga hohoga pāpaki kā te tāparau (Haere Po) et Tupuna, Voyage sur les traces des ancêtres à Tahiti et dans les îles de Moearii Darius (Au Vent des îles). Avec les 4e nous avons lu des textes, fait un jeu de question/réponse, ils m’ont posé plein de questions sur ma vie d’auteur, ma vie personnelle. Au début ils étaient un peu intimidés et puis finalement après avoir brisé la glace, c’était super sympa. Pour l’atelier d’écriture, ils devaient écrire trois lignes sur le sujet qu’ils souhaitaient et me les montrer seulement s’ils en avaient envie. La plupart ont joué le jeu. L’un d’entre eux a écrit un texte sur son quotidien qui m’a beaucoup touché : l’ennui, les bagarres. La vie n’est pas facile là-bas. D’autres sont venus me réclamer alors que j’étais au CDI, me demandant de venir les voir aussi dans leurs classes. On a fait des bras-de-fer ! J’ai découvert que j’avais un bon relationnel avec les enfants. Ils m’ont rajouté sur Facebook, on a fait des photos ensemble. La situation de ces enfants est particulièrement dure. Ils doivent quitter leurs parents pour aller sur une autre île à l’école et personne n’en parle. Il y a des inégalités territoriales terribles. Certains ont été broyés par ce système, on m’en parlait à demi-mot, ce sont des choses que je retiens et qui me touche.  

 

Qu’est-ce qui est prévu dans les semaines, mois, années qui viennent ? 

Mon deuxième livre, Maeva nulle part, sort en juin (Méridien zéro était sorti en 2020 chez Au Vent des îles). Je vais laisser mon texte vivre et voir le chemin qu’il va prendre. Et dans l’immédiat, je pars au secteur sur un motu de Rangiroa pendant trois mois. Je vais vivre coupé de tout, sous la tente… J’espère continuer à écrire. C’est quelque chose que j’avais toujours voulu faire.