Virginie Soula, docteur en lettres modernes, est née et a grandi en Nouvelle-Calédonie. Elle a étudié à Paris mais n’a pas souhaité y vivre sa vie. Elle est rentrée pour se rapprocher de ses sujets d’études, les écrits calédoniens et océaniens.
Ingénieure culturelle patentée et vacataire à l’Université de Nouvelle-Calédonie où elle enseigne entre autres la littérature francophone du Pacifique, Virginie Soula a signé un ouvrage, Histoire littéraire de la Nouvelle-Calédonie (1853-2005) qui est : « une mise en perspective de l’histoire avec le développement du champ littéraire ». À en croire sa maison d’édition (Khartala), l’originalité de son travail tient dans le fait « qu’il met en lumière un corpus de textes peu connus, mal diffusés, révélant la grande richesse du patrimoine littéraire calédonien. »
L’ouvrage est en fait une synthèse de ses recherches menées dans le cadre de sa thèse présentée en 2008. « Je m’intéresse à la représentation de soi-même et de l’autre, à la littérature océanienne, à la culture. » Elle a étudié les lettres modernes et les relations interculturelles. « En fait, je suis depuis longtemps sur la voie des lettres mais, en chemin, j’ai été piquée par le virus de la culture. »
Une nouvelle voix
Une rencontre en particulier l’a attirée sur cette nouvelle route, celle de Roger Boulay, alors conservateur au musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie à Paris, anthropologue spécialiste de la Mélanésie. Il a conçu l’exposition « Kannibals et Vahinés : imagerie des mers du Sud » qui s’est tenue au musée national des arts d’Afrique et d’Océanie du 23 octobre 2001 au 18 février 2002. Depuis, elle ne peut se défaire de ce nouveau champ qui s’est ouvert à elle.
Après des milliers de pages tournées et de récits compulsés, Virginie Soula l’affirme : « Il y a une appropriation de la littérature écrite par les Kanak et les Calédoniens de manière générale alors que la France coloniale n’attendait pas que cet archipel, constitué d’un bagne et de réserves indigènes, soit capable de développer une littérature propre. »
Après plusieurs années à Paris qui ont définitivement marqué sa vision du monde, Virginie Soula est rentrée en Nouvelle-Calédonie. La terre qui l’a vu naître. « Je voulais renouveler le lien, m’investir sur place, me rapprocher des textes et auteurs. J’étais un peu frustrée en métropole. »
Sur le Cailloux, elle avance sur ses deux chemins. Elle constate aussi, « que l’on ne peut plus rester isolés, où que l’on vive, même au milieu de l’océan Pacifique en Nouvelle-Calédonie. On n’échappe pas à la mondialisation pour le meilleur et pour le pire. » Depuis les premiers échanges, entre les différents mondes, les liens sont indéfectibles. Ils apportent de la violence et de l’incompréhension mais les rencontres, quand elles sont une reconnaissance, peuvent aussi faire naître de nouvelles idées, de nouvelles pensées, de nouvelles matières qui sont autant de richesses à partager.
Histoire littéraire de la Nouvelle- Calédonie
Ed. Karthala (2014)
La Nouvelle-Calédonie est un territoire littéraire invisible malgré son appartenance au vaste océan de la francophonie. Discrétion ou marginalisation ? La littérature calédonienne existe pourtant. Elle est le produit d’une histoire singulière : celle d’une terre mélanésienne qui deviendra colonie pénitentiaire, Territoire d’outre-mer, collectivité « sui generis »… Cette histoire littéraire de la Nouvelle-Calédonie permet de comprendre comment l’écriture en français, « transportée » par la colonisation dès 1853, fait souche et se développe jusqu’à révéler un champ littéraire propre. Elle tente de saisir comment cette externalisation de la production de la littérature métropolitaine s’enracine dans le terreau calédonien pour relayer l’apparition et l’exacerbation des consciences identitaires calédonienne et kanak, puis leur dépassement dans l’engagement de bon nombre d’auteurs dans le processus de « destin commun ».